


Aujourd’hui, un certain design est instrumentalisé par les groupes industriels qui le placent au centre de leurs stratégies de communication. On y vante la qualité de la matière, l’esthétique des formes et la beauté des objets. Mais qu’en est-il des conditions de production de ces objets ?
Être designer, c’est se confronter à des choix de politiques de conception, de réalisation, de responsabilité, ceci plus spécifiquement dans le domaine du cadre de vie, territoire naturel du design. Les modules créés sont le résultat visible d’une double condition économique : concevoir et construire un espace habitable pour tous, pour une existence digne basée sur un achat à 5000€ du module. 5000€ vient du prix attribué pour la totalité de la production. Le constat objectif est qu’il s’agit du prix exigé pour acquérir un mètre carré dans un programme immobilier construit dans un quartier de la ville historique prisé. Pour qui ? Cette question reste entière. Ces habitats dystopiques posent la question de la complicité pouvant exister entre les designers et les modes extrêmes de la production industrielle de l’habitat. Dystopiques, car ils posent le corps comme outil de production stocké après utilisation, à l’image du slogan affiché dans certains ateliers : “Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place”. Ces modules sont pensés comme unité de mesure d’habitabilité et échelle de production. Répétés, accumulés, reproduits et parfaitement identiques, ils sont une réponse froide à l’utilisation fonctionnelle de l’individu contenu dans une organisation sociale qui, par la contrainte, aurait la tentation de le contrôler dans la totalité de ses actes, même les plus intimes. Ces modules sont conçus pour nous interpeller, nous mettre en situation de vigilance. Face à une société spéculative qui, dans son accélération centrifuge, rejette un nombre de plus en plus important d’entre nous aux marges de l’existence, ces modules donnent une vision assurément extrême, comme une mise en garde. Car, sous l’objet « beau et bon » peut se cacher le spectre grimaçant de la violence faite aux hommes. A contrario, le design sera-t-il porteur d’un nouvel humanisme et participer comme tout autre acteur à la construction de la cité des hommes ?
Ces modules d’habitation ont été conçus avec les étudiants de Nathalie Bruyère & Manuel Valentin à l’isdaT : Benoît Cailliet, Camille Platevoet et Cheng Long Zhao.
Exposition : Appartement 5000€
Lieu : Espace Croix Baragnon, Alain Lacroix, Françoise Lacoste et Elodie Sourrouil.
Production : Ateliers ville de Toulouse
Date : Juin 2011