



On dit que le design est un problème de style, de rentabilité, mais qu’en est-il aujourd’hui face à la crise écologique et sociale ?
• Que se passe-t-il s’il associe architectes, artisans, designers, artistes, makers,
ingénieurs et la société civile, pour une co-construction collective ?
• Favorisera-t-il le développement de techniques qui font le lien entre esthétique et
écoresponsabilité, pour créer des milieux qui rendent l’espace co-habitable entre l’être humains et le non-humains ?
Communiqué de presse
Les formes sont des mondes en soi. Elles renferment des représentations d’usages en fonction des contextes, des intérêts, des pratiques et des symboles sociaux. Ces représentations découlent d’enjeux techniques et de matériaux, autant d’une diversité de culture.
Toutes les formes sont issues d’une production humaine.
Objets, artefacts, éléments d’architecture sont autant pensés comme outils pour réaliser des opérations simples : contenir de l’eau, se souvenir, seuil de l’habitat, que des dispositifs de nos activités de travail ou de la vie quotidienne, ou comme objet d’art.
Dès le début de la vie, la série a fait partie des modes de pensée à travers la production et les activités de l’industrie humaine.
Ce fonctionnement, issu d’un rapport direct pour la survie, a donné naissance à des réponses pour des besoins primordiaux : se chauffer, se nourrir, etc., autant d’actions support à la vie. Ces archétypes, ces premiers modèles ont évolué, se sont hybridés suivant les situations, les cultures, les ressources et l’évolution des techniques.
L’arrivée de la production industrielle n’a donc pas mis en place la série, mais la division du travail. La mécanisation a initialement pris son origine dans la répétition et la maîtrise des savoir-faire, du geste artisanal, qui s’est vu copié par la production mécanique. La transposition de ces gestes en gestes mécaniques organisés autour de la rationalisation du temps a fractionné la forme en éléments reproductibles. Pour autant que la bricole individuelle, l’artisanat commun, l’artisanat d’art, n’ont pas continué leur parcours de production sériel ou non, comme une partie intégrante, mais non dominante. Ainsi catégorisées, ces formes donnent naissance à des généalogies : série homogène industrielle, série variée, artisanale, série limitée et numérotée, artisan d’art, hors série pour le choix strictement individuel qu’il faut hybride.
La fabrication distribuée
La fabrication distribuée est un mode de production décentralisé, rendu possible par le déploiement d’Internet. Elle repose sur la mise en commun de compétences, de moyens de production à taille humaine, dans le but de concevoir, fabriquer et distribuer des artefacts, des produits, des éléments d’architecture. La dynamique singulière de ce réseau repose sur la grande variété de ses acteurs et de leurs savoir-faire, leurs connaissances. Il s’agit des citoyen•ne•s équipé•e•s d’imprimantes 3D, aux espaces du faire, en passant par les TPE, les PME et parfois les grands groupes, entre micro et macro factory, au travers de productions locales globalement connectées qui unissent artisanat et industrie.
L’enjeu peut se résumer ainsi : le design est-il là pour soutenir le changement à travers la modernisation des moyens technologiques, ou bien là pour penser à changer son industrie pour afin de la rendre plus humaine, plus accessible ?
La première solution a été appliquée dans les cadres conceptuels et formels du mouvement moderne qui a relevé les défis de son époque par une démocratisation par la consommation. En créant un langage mécanique stabilisant culturellement, il soutient le bon goût, les formes simples, Less is more, une généalogie de la fonction et de la typologie des espaces habités. Une rationalisation des productions pour une meilleure assimilation au marché à travers la relation du prix et des salaires. Je gagne tant, je peux acheter tant, je peux habiter tant de surface. Ce principe engage une idée de croissance infinie dans un monde que nous savons limité en matières premières. « Un design intégral, qui se préoccupe de l’adaptation du design aux outils, aux matériaux et à l’utilisation ; ce design tend vers la simplicité et vers ce qu’Horace Greenough appelle “la majesté de l’essentiel”. L’autre interprétation du “fonctionnel” est le design d’enjolivement, ou “l’enveloppement”. Il semble s’intéresser davantage à La structure des psychés du designer ou du consommateur qu’à la structure de l’objet. »
Ces objets et espaces, devenus génériques, identiques de par le monde, de piètre qualité tant formelle que matérielle, sont le résultat de ce processus de rentabilisation et reflet de nos sociétés non inclusives, mais aussi en pleine dégénérescence, car incapable de changer de logiciel.
Dépasser la dichotomie entre ce que peuvent la main ou la machine, dichotomie née au début de l’ère industrielle à travers la modernisation de la société et débattue par William Morris, est un enjeu majeur actuel. Nous sommes dans une société où, du clou à la plaque de bois, à la brique de construction, le mode opératoire est industriel ; c’est précisément pour cela qu’il faut créer une chaîne de production qui s’ouvre sur un schème de transfert d’information avec un nouveau régime opératoire pour que les informations, les indications, les ordres aux machines s’inscrivent dans des principes radicalement tournés vers une unique priorité : la vie, le vivant, les vivant•e•s, humain•e•s et non humain•e•s.
Comment ?
Favoriser et développer les techniques qui font le lien entre esthétique et écologie, en s’adossant à un milieu, pour rendre la terre habitable ; ensemble dans différents milieux habités humains et non-humains.
Un nouveau schème
Le monde est traversé par des situations, des actes, des modes d’habiter fort différents. Chaque réponse est la résultante de situations précises et diverses. Il ne s’agit n’est plus de compenser le vide social par la consommation à travers une technique qui permet une réponse universelle, mais :
• de créer des outils techniques permettant l’adaptation spatiale et temporelle à travers la création d’un Standard ouvert qui s’articule autour de ressources limitées : matière première locale pour prendre en compte collectivement la préservation de la biodiversité ;
• de remplir le vide social à travers l’idée d’un budget-temps-connaissance au lieu d’un budget-consommation ;
• de favoriser une habitabilité des situations, pour une meilleure cohabitation, co-création, co-construction collective.
Nous appelons à une nouvelle forme à travers la conception distribuée.
Les formes s’ouvrent pour s’adresser au
prosommateur = pro(ducteur) + (con)sommateur.
L’aspect générique est adaptable ; il est une base commune de pratiques et de besoins, d’envie, qui donne la possibilité d’altérer l’objet, l’espace monolithique, pour produire ensemble au plus proche des territoires.